Tout le monde veut imposer à l’école sa propre vision ou ses lubies. Ainsi, des associations et d’autres intervenants essaient de défendre leurs positions en prétendant que c’est la meilleure voie pour réformer, en profondeur, le système éducatif.
Il est évident que la réforme est nécessaire et qu’elle aurait dû être réalisée depuis plusieurs années n’eussent été les nombreux freins opposés, notamment, par des syndicats beaucoup plus soucieux de leurs agendas que de l’avenir de notre enseignement.
Jusqu’à présent, personne n’est en mesure de prédire ce qu’il en sera de la prochaine réforme et de la façon dont elle sera abordée si tant est qu’elle le soit.
Des matières qui sont autant de fardeaux
En tout cas, les idées foisonnent et se bousculent tout en s’opposant, parfois, frontalement. Alors que, d’un côté, les uns suggèrent d’alléger les programmes et de réaménager le temps scolaire, d’autres cherchent à introduire d’autres apprentissages et de nouvelles disciplines.
Le diagnostic avait, pourtant, été fait depuis longtemps et il était sans appel. Les programmes scolaires actuels sont trop chargés. Il y a urgence de les réformer de façon à les rendre plus souples et plus adaptés aux nouvelles exigences technologiques et scientifiques.
Concrètement, les défenseurs de l’allègement ciblent certaines matières, comme les éducations artistique, théâtrale, musicale, etc. qui gagneraient à connaître un autre sort. En effet, telles qu’elles sont programmées et enseignées, elles constituent un lourd fardeau. Comment comprendre, par exemple, que dans un cours d’éducation musicale, l’élève ne puisse toucher ou manipuler le moindre instrument de musique ? L’expérience personnelle de l’auteur de ces lignes est on ne peut plus édifiante. En effet, étant lycéen dans un établissement connu de Tunis, c’est un grand musicien de la troupe de la Radio tunisienne de l’époque qui nous enseignait. Il avait un luth et il y avait un piano dans la salle. Mais, jamais aucun élève n’a touché à l’un de ces instruments. Les cours étaient une torture ! Comment expliquer, aussi, que dans un cours d’informatique, les élèves ne puissent pas accéder à un ordinateur ou à la connexion internet ? D’autres aberrations existent pour les disciplines comme le théâtre, etc.
De ce fait, l’enseignement de ces disciplines devient fastidieux et repoussant pour l’élève. De même, les matières qui exigent une mémorisation systématique et automatique (histoire, géographie pour ne citer qu’elles) pénalisent, particulièrement, l’apprenant qui n’est pas très porté sur le mode de la restitution automatique des données.
Ceci sans parler de la manière d’enseigner et de réactualiser les données à la lumière des nouvelles approches pédagogiques et scientifiques. Tout le monde sait que nos manuels scolaires sont anciens et qu’ils n’ont pas évolué depuis, au moins, 20 ans. Quelques enseignants essayent, malgré tout, d’être à jour concernant quelques statistiques ou changements géopolitiques. Mais l’enseignement de l’histoire est, pour l’heure, très problématique aussi bien au niveau des périodes étudiées qu’au niveau de la vision qui en est faite.
Revoir de fond en comble les contenus
Quand on voit ce que contiennent les manuels d’histoire, on se dit que le Tunisien, en fait, n’est qu’un éternel consommateur et qu’il n’a jamais rien produit ou réalisé. A travers les siècles, on apprend à nos enfants que les habitants de ce pays ont attendu les différents envahisseurs pour savoir vivre. C’est ainsi qu’il a fallu attendre Elyssa pour bâtir Carthage. Sous-entendu pour nos jeunes apprenants que nos ancêtres vivaient comme des primitifs. Faux ! En outre, on inculque à ces générations que les invasions arabes ont été des plus pacifiques et des plus profitables. Faux ! Pis encore on leur précise que ce sont les Andalous qui ont introduit, chez nous, les cultures irriguées et l’art architectural ! Faux ! Plus proche de nous, l’histoire du Mouvement national reste sans signification majeure. Par exemple, l’épisode du Congrès de Ksar Hellal est indécodable pour de nombreux élèves. Certains enseignants ne prennent pas la peine d’expliquer des détails très significatifs (qui leur paraissent des évidences) comme le nom de la ville de Ksar Hellal (oui, il y a des collégiens qui ne connaissent pas cette ville et ne savent pas qu’elle se situe en Tunisie) et Dar Ayed (lieu de la tenue du Congrès en question). Et, du coup, pourquoi ne pas expliquer le mot «congrès” à ces collégiens ?
Quant aux tenants de l’introduction de nouveaux contenus, ils nous parlent de la sensibilisation à la protection de la nature et de l’environnement, aux droits et libertés, aux énergies nouvelles et renouvelables, aux différentes violences de la société, etc.
Ils oublient que la capacité de nos enfants est limitée et que le bourrage de crâne n’a jamais payé. De plus, il n’est pas question d’instrumentaliser nos jeunes et de s’en servir comme des cobayes. Toute politique d’enseignement doit être tracée par les autorités publiques compétentes. Les spécialistes reconnus sont là et peuvent à tout moment apporter la contribution qu’on attend d’eux. Pour le reste, ce que l’on appelle la société civile ou autres organisations, elles n’ont qu’un rôle limité et n’ont aucun pouvoir contraignant. Leurs suggestions restent des suggestions qui peuvent être prises en compte ou non. Toutes ces parties ne peuvent en aucun cas être partie prenante de plein droit dans la réforme envisagée. Car tout projet à venir devrait être finalisé par les autorités concernées. En termes plus clairs, c’est le ministère de l’Education qui doit être le promoteur principal. En effet, c’est lui qui est responsable de la réalisation et de la concrétisation des objectifs. Donc, c’est lui qui en sera comptable en fin de compte et non ces parties étrangères qui veulent avoir leur mot à dire dans tout ce que les pouvoirs publics entreprennent. Car, dans le cas de l’échec de la réforme, ces organisations qui tiennent à apporter leurs “contributions” rejetteront la responsabilité sur une seule partie: les autorités officielles.
Voilà pourquoi il est important de prendre de nombreux paramètres en considération avant d’entreprendre quoi que ce soit. Si, par hasard, des apports extérieurs sont acceptés, cela doit être fait sous forme d’engagement reconnaissant le partage des responsabilités. Et, par conséquent, en subir les conséquences.
Nouvelles technologies, dites-vous ?
Mais il y a toujours d’autres exigences cruciales. Une véritable réforme ne peut se faire sans référence aux innombrables innovations actuelles et à venir. Sur ce point, notre système éducatif accuse de graves retards. On parle trop de nouvelles technologies, mais sur le terrain, il n’y a pratiquement rien.
Le Cnte (Centre national de technologie en éducation) n’a rien apporté de neuf depuis sa création. Cette structure ne peut être d’aucun apport si on ne lui donne pas les compétences nécessaires et les moyens appropriés afin qu’elle s’acquitte pleinement de sa mission. A savoir mettre en place une véritable stratégie en la matière.
Par ailleurs, il ne faudrait pas négliger la formation continue et le recyclage professionnel des différents cadres de l’éducation pour qu’ils soient, constamment, à la page et en phase avec toutes les nouveautés à venir. Sur ce volet, il y a, justement, beaucoup à dire puisqu’on constate que, par exemple, l’encadrement des enseignants par les inspecteurs a nettement baissé. Ce qui est de nature à laisser de nombreux enseignants sans soutien pédagogique et sans assistance. De plus, les recrutements ne doivent plus se faire sur les bases actuelles ouvrant, ainsi, la porte devant ces milliers de contractuels qui n’ont rien apporté (ce n’est pas leur vocation car le métier d’enseignant ne signifie, pour eux, qu’un gagne-pain). Un enseignant doit être formé, à l’avance, pour prétendre exercer un tel travail.